Si ce n'est pas la première fois que de tels appels sont lancés à l'encontre de nos plus emblématiques produits alimentaires -vins, fromages et eaux-, et que les précédents boycotts n'ont pas eu pour conséquence d'affecter durablement leurs ventes, il n'en demeure pas moins que, cette fois-ci, la virulence de certains propos peut laisser craindre une possible baisse des ventes de nos exportations, notamment dans le vin.
Différentes initiatives, parfois impulsées au plus haut degrés de l'Etat, ont en tout cas été envisagées ces derniers jours. Certaines s'accompagnent de la volonté de sanctionner l'Europe qui persiste à interdire l'importation des produits alimentaires génétiquement modifiés. Dennis Hastert, l'influent président républicain de la chambre des représentants, a par exemple évoqué l'idée de prendre des sanctions contre l'eau minérale et le vin français. Il a ainsi proposé d'apposer des étiquettes oranges -dans l'échelle des risques terroristes, le niveau orange correspond à un niveau d'alerte élevé- sur les vins clarifiés avec du sang de bœuf. Une méthode qui n'a plus court depuis la crise de la vache folle et qui a été interdite par l'Union européenne en 1997. Cette idée n'a en tout cas pas trouvé que des échos positifs, particulièrement auprès des producteurs de vins californiens qui considèrent qu'elle pourrait même avoir des conséquences néfastes sur la consommation de vin américain.
“Le patriotisme des Américains peut effectivement jouer et il peut effectivement y avoir un petit recul des ventes des produits français, estime un négociant français, mais il y a peu d'inquiétude à avoir sur le long terme” contrebalance-t-il. “Nous ne sommes pas inquiets”, avoue Ross Wassermann du bureau des vins de Loire de New-York, qui précise que “c'est un effet de mode dû à la politique interne du moment. En outre, les Américains qui s'expriment le plus sur ce sujet ne sont pas forcement ceux qui achètent le plus de produits français. A l'interprofession des vins de Bordeaux (CIVB), on reste également mesuré quant à la portée de ces appels. “Les tensions entre la France et les Etats-Unis sur l'Irak justifiant un boycott de nos vins ? Il ne faut pas tout mélanger. Celui qui boit des vins français continuera à en boire. Ce sont deux choses différentes”. D'ailleurs, pour autant que ces mesures de rétorsions puissent être efficaces, les exportations de vins d'appellations bordelaises vers Etats-Unis ne représentent que 6 % en volume (133 000 hl en 2001) des exportations dans le monde (2 millions d'hl en 2001), rappelle-t-on au CIVB.
“Il est de toute façon encore trop pour ressentir les effets d'un quelconque boycott” prévient Jean-François Berger, responsable du secteur vins et spiritueux au Centre français du commerce extérieur (CFCE), mais confiant, il rappelle que “la population américaine est partagée sur ce sujet”. Quoi qu'il en soit, en Allemagne, et alors que le pays traverse de sérieuses difficultés économiques, on prend ces menaces beaucoup plus au sérieux. Certaines entreprises confient d'ailleurs déjà en ressentir les effets.
Côté français, on semble toutefois faire preuve de plus d'optimisme. Les derniers boycottages de vins français n'ont pas toujours rencontré le succès escompté par leurs initiateurs. Jean-François Berger rappelle par ailleurs que la situation actuelle n'a rien à voir avec celle connue en 1995 au moment de la reprise des essais nucléaires par la France. Quant au dernier appel en date, il remonte à 2002 et faisait suite aux actes antisémites qui avaient eu lieu en France. Seuls quelques restaurateurs et cavistes avaient alors choisi de retirer -souvent temporairement- les produits français de leur carte. Pour sa part, le député Bill Thomas, président de commission chargée du Commerce extérieur à la Chambre des représentants a avoué que “les mesures protectionnistes contre les eaux et le vin français n'avaient aucune chance d'aboutir”. “De toute façon, conclut Ross Wassermann, en ce moment, les Américains achètent moins de produits importés qu'auparavant”. Par patriotisme, et depuis le 11 septembre, les Américains préfèrent en effet favoriser des produits nationaux. |